Recension de « Ils ont vécu le burn-out : Témoignages et conseils pour se reconnecter à soi » de Virginie Bapt et Agathe Mayer (Vuibert, 2020) / Thierry Nadisic

Il y a plusieurs façons pour un livre d’être utile : en nous informant sur un thème sociétal important et actuel, en nous racontant des histoires qui nous transportent, en nous donnant des conseils pratiques ou en nous aidant à nous retrouver. La rare qualité de ce livre est qu’il nous offre ces quatre bénéfices en même temps.

D’abord il apporte des réponses claires aux questions que nous nous posons sur le burn-out : d’où vient ce sentiment d’être atteint dans notre dignité, ce désintérêt pour ce que nous faisons et cette immense perte de sens ? Comment les personnes touchées et leur entourage en font l’expérience ? Comment en sortir ?

Ensuite il nous fait vivre dix histoires de burn-outs. Nous entrons dans l’intimité de Pierre, victime d’un patron manipulateur, de Jean-Yves, mis au placard, de Martin, boulimique de travail ou de Hannah dont le couple et l’activité sont en crise en même temps. Nous lisons comme des nouvelles à suspense ces témoignages recueillis par les auteurs tout en ressentant d’autant plus d’empathie que nous savons qu’elles sont vraies. Nous comprenons alors combien le burn-out, qui peut sembler être toujours la même chose, est en réalité à chaque fois une expérience singulière.

La plus grande utilité, sans doute, de ce livre est qu’il décrit avec clarté les mécanismes de reconstruction. Les témoignages eux-mêmes ne s’arrêtent pas aux difficultés : ils nous montrent la façon dont Martin a été sauvé par son amour pour la musique ou comment Alain, médecin qui ne prenait pas soin de lui-même, a appris à accepter ses vulnérabilités et à apprivoiser le temps. Surtout, il nous permet d’entrer dans le cabinet du psy : chaque témoignage d’une victime de burn-out est suivi par celui de son thérapeute. Nous découvrons la stratégie de soin suivie et la manière dont le patient a avancé vers la sortie. De nombreux conseils utiles ponctuent ces descriptions : prendre garde aux signaux d’alerte, choisir ses combats, se raccrocher à la vie… Enfin, ce qui rend la lecture de ce livre profondément satisfaisante, même si nous n’avons pas vécu de burn-out, c’est que nous sommes en permanence renvoyés à nous-mêmes. Qu’est-ce que nous ne voulons pas voir lorsque nous disons que nous n’avons pas le choix, qu’il faut continuer, même si c’est dur et que notre santé en pâtit ? Où sont nos priorités ? Quel type d’équilibre avons-nous construit dans notre vie ? Pouvons-nous apprendre à mieux respirer ?

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Recension de « Savourons le silence : Se reconnecter à soi quand le bruit détruit » de Émilie Devienne (Eyrolles, 2020) / Thierry Nadisic

Le nouveau livre d’Émilie Devienne, coach et romancière, est une jolie balade dans le silence. Nous y apprenons d’abord qu’il est un privilège pour 87% des français et que Paris est la deuxième ville européenne la plus bruyante après Barcelone. Nous y découvrons aussi son côté paradoxal : on le cherche autant qu’on le fuit, et pas seulement parce qu’on en a peur : il existe aussi un mauvais silence, celui du mari de Natacha Calestrémé, qui l’a blessée, et qu’elle décrit dans son Ted-X, cité utilement dans le livre. C’est celui que le psychologue pour couples John Gottman, auquel il est également fait référence, appelle le « mur de pierre » qu’on bâtit à deux pour le pire.

Ces précautions étant prises, nous sommes alors prêts pour accueillir le bon silence, vital pour la régénération de notre cerveau. C’est aussi celui que nous choisissons parce qu’il permet de nous occuper de nous, et à partir de là de nous relier à l’autre et à notre destinée. Il inspire, ouvre à la gratitude, aide à faire le point et favorise l’émergence de ce que nous n’attendons pas. Plus fondamentalement il nourrit notre savoir-être, en nous permettant de créer notre monde intérieur, puis notre savoir-faire en nous projetant, en confiance, vers le monde du dehors. L’autrice cite « le silence de Churchill » comme l’illustration exemplaire de ce double mouvement. C’est parce qu’il a su rester silencieux lorsque David Chamberlain a proposé de nommer Lord Halifax comme premier ministre que Winston Churchill a finalement obtenu le poste.

La dernière partie du livre nous fait parcourir huit chemins pragmatiques du silence. D’abord il faut savoir faire appel à lui en reconnaissant qu’il peut servir à tracer notre ligne de vie. Il nous est suggéré de nous référer au Ted-X de Susan Cain sur la « force des discrets » pour en savoir plus. Ensuite il est possible d’apprendre à repérer ses multiples et subtiles significations pour mieux l’expérimenter. La troisième voie consiste à nous rendre compte que c’est une ressource polluée et qu’il y a de nombreux moyens pour nous désintoxiquer. Alors nous pouvons aller au cœur du défi que le silence nous pose : comment apprivoiser toute la liste de peurs qu’il éveille ? Du vide au jugement en passant par le manque, l’absence, la solitude, l’abandon, le rejet et la remise en question ? Une piste fructueuse : nous exercer à la frustration. Les trois chemins suivants sont emprunts de douceur : nous servir de l’art, les peintures de Hopper par exemple, dont il disait qu’elles lui permettaient de dire sans mots ; nous délecter du moment présent comme lors d’une marche lente ; nous rappeler que la nature est faite d’un silence amical. Enfin, le huitième chemin est celui de la spiritualité, la voie royale étant bien sûr celle de la méditation, qu’elle soit Vipassana ou Zen. La fin de ce livre peut donc être le début d’un autre : que diriez-vous de continuer votre chemin avec un bon guide parmi tous ceux qui ont été écrits ces dernières années et de faire l’expérience bénéfique du silence de la pleine conscience ?

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Recension de « 21 leçons pour le XXIème siècle » de Yuval Noah Harari (Albin Michel, 2018) / Thierry Nadisic

Dans la continuité de « Sapiens » qui nous montre d’où nous venons et de « Homo Deus » qui éclaire notre avenir, j’ai aimé ce nouveau livre de Harari, l’historien au succès à présent planétaire, parce qu’il nous aide à saisir les enjeux du présent d’une façon nouvelle. Face à l’effondrement écologique et aux bouleversements technologiques, nos systèmes politiques libéraux sont en crise. Si la plus grande partie de ce que nous appelons aujourd’hui le travail est pris en charge par l’intelligence artificielle, qu’adviendra-t-il de tous ceux qui n’ont pas les compétences pour la créer et la gérer ? Les inégalités ont déjà explosé. Le recul de nos libertés organisé par des dictatures digitales devient également possible. Face à ces menaces globales, nos démocraties de marché peuvent-elles se réinventer sans sombrer dans le nationalisme ou les identités religieuses ? Il n’y a pas de réponse collective dans le livre à ces enjeux, mais une mise en lien originale entre notre Histoire commune et notre fonctionnement psychologique individuel. Cette connexion nous permet de repérer notre pouvoir d’agir. L’humilité, la compassion, la clarté face aux « fake news » et la conquête de notre libre arbitre par l’éducation et la souplesse mentale deviennent des ressources essentielles pour nous faire coopérer et construire le monde en nous libérant nous-mêmes.

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Recension de « Le boulot qui cache la forêt » de Mickaël Mangot (Larousse, 2018) / Laurent Sovet

À la croisée de l’histoire, de la psychologie et de l’économie, cet ouvrage se compose de 20 chapitres répartis en cinq grandes parties qui interrogent sous différents angles nos rapports au travail. Chaque chapitre porte sur un questionnement très spécifique tout en amenant une continuité tout au long de l’ouvrage tel un chemin au milieu de la forêt. Le début de l’ouvrage porte principalement sur la centralité du travail et les sources de satisfaction qui nous animent tandis que les derniers chapitres tendent davantage à présenter des manières originales de travailler et de concevoir le travail. Mickaël Mangot s’appuie sur des concepts fondamentaux et de nombreuses études dans un style très ludique. Les détours par l’histoire, les proverbes et les exemples ancrés dans le quotidien facilitent la compréhension et l’appropriation de l’ouvrage. Il y a un souci véritable de rendre accessible au plus grand nombre une littérature scientifique internationale et actualisée. Les sources sont rigoureusement référencées à la fin de l’ouvrage pour appuyer les propos. Les chapitres s’accompagnent très souvent d’exercices à destination du lectorat et de recommandations pratiques pour aller plus loin dans la réflexion sans pour autant tomber dans une quelconque injonction. À travers cet ouvrage, nous pouvons rapidement percevoir que bon nombre de nos questionnements sur le travail et la place qu’il occupe dans notre vie sont partagés par d’autres. De tels questionnements sont complexes et ne sont pas exempts de paradoxes qu’il faut parfois accepter ou dépasser. Mickaël Mangot présente avec passion et rigueur des pistes pour décrypter ces différents phénomènes. Prenant la métaphore de la forêt, il montre que les chemins à suivre sont multiples et pas nécessairement déjà tracés pour s’épanouir où le travail peut constituer un élément d’appui ou un élément central. Ainsi, à l’éternelle question « faut-il vivre pour travailler ou travailler pour vivre ? », il laisse à chaque personne le soin de trouver sa propre réponse dans un monde changeant. Cet ouvrage constitue une lecture utile et enrichissante qui cherche à comprendre la forêt qui se cache derrière le boulot.

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Recension de « Le management juste : Agir pour favoriser les sentiments de justice au travail » de Thierry Nadisic (PUG-UGA, 2018) / Mathilde Moisseron-Baudé

Au moment de rédiger la recension de l’ouvrage « Le management juste » de Thierry Nadisic paraissait dans la presse un article dans Huffpost de Torres Monica daté du 01/03/2019 titré « Voici ce que subit le corps quand on exerce un emploi que l’on déteste. Un travail délétère peut rendre malade de multiples façons ». Il est rapporté, entre autres, les travaux de recherche de E. Kevin Kelloway, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en psychologie de la santé au travail, qui s’intéresse aux relations managériales entre dirigeants et salariés et à leurs effets cognitifs, affectifs et physiques. Plus spécifiquement, il démontre notamment que le stress professionnel est amplifié lorsque le salarié juge la manière dont il est traité de façon injuste, immérité (Barling et al., 2004). L’injustice, selon lui, touche fondamentalement et intrinsèquement l’identité du salarié, fragilisant sa santé. Des preuves empiriques (Elovainio et al., 2003 ; Robbins et al., 2012) viennent par ailleurs, corroborer ses propos sur l’existence d’une relation entre perceptions d’injustice et santé au travail. Egalement, la thèse de Casaucau (2016) traitant « des liens entre le management juste et les états affectifs, l’engagement, le burnout et d’autres variables en lien étroit avec le bien-être et les attitudes positives au travail » met en exergue qu’un management juste contribue à la prévention du burnout au travail. La dernière étude de Gulseren et al. (2019) est d’ailleurs sans équivoque sur le sujet montrant que la confiance en ses supérieurs hiérarchiques lorsqu’un management juste existe, est un facteur de bien-être psychologique pour les salariés.

Ces illustrations illustrent avec pertinence la thématique traitée dans l’ouvrage de Thierry Nadisic paru en 2018 sur le management juste en témoignant de l’actualité du sujet mais également, de la nécessité de mettre en place des actions de prévention des risques professionnels, « d’agir pour favoriser les sentiments de justice au travail », dans une perspective pérenne d’amélioration des conditions de travail des salariés et de leur santé.

Depuis ses quarante dernières années – au travers de concepts encore relativement récents, les années 2000 pour les risques psychosociaux (RPS) ou encore 2015 pour la qualité de vie au travail (Valléry & Leduc, 2017) – les recherches et études affluent pour mieux comprendre les effets des changements profonds opérés dans le monde du travail sur les salariés. Devenus une préoccupation gouvernementale majeure (Gollac & Bodier, 2011 ; Nasse & Légeron, 2008) aux forts enjeux économique, juridique et de santé, deux grandes évolutions en matière de santé au travail se dessinent. Une première, relevant d’une logique de prévention et une autre, d’obligation de résultats et de moyens imposant à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, sous peine de sanctions pénales et de réparations civiles (cf. code du travail : article L. 4121-1 et suivants). Dans ce contexte socio-organisationnel, les stratégies des organisations s’attèlent à intégrer des plans de prévention des risques professionnels pour l’amélioration des conditions de travail, contribuant à développer une culture reliant la santé et le travail.

L’ouvrage de Thierry Nadisic s’inscrit dans cette dynamique en offrant aux dirigeants, managers et salariés, un outil d’action concret au travail pour traiter le sentiment de justice dans son univers professionnel. Parce qu’aujourd’hui l’autorité instituée n’est plus forcément synonyme de légitimité, le manager doit acquérir, en sus de ses compétences professionnelles, des compétences sociales dans une conception existentielle du management (Bernaud, 2018). Parce qu’il a été abondamment démontré le caractère reproductible, par effet de réciprocité, à traiter les autres comme on perçoit être traité par son milieu de travail prédisant au travers du climat social les comportements pro ou anti-organisationnels (Brunet & Savoie, 1999). Le manager juste doit prendre conscience et comprendre les liens de cause à effet entre ses actions et les réactions de ses collaborateurs.

Ainsi, conçu pour que chaque acteur puisse rendre sa vie au travail plus juste, ce livre de quatre-vingt-six pages est organisé autour de six courtes parties structurées, argumentées et illustrées avec un test portant sur huit affirmations inspirées des travaux de Colquitt (2001) pour se positionner vis-à-vis de son entreprise et de son manager afin de savoir si « vous sentez-vous justement traités au travail ? » (pp. 33-37).

Par des exemples concrets de situations vécues au travail et/ou au travers de recherches scientifiques attestant des propos avancés, les quatre types de sentiments de justice sont introduits avec leurs atouts, limites et conséquences autant sur l’organisation que sur la santé du salarié. C’est ainsi que se distingue en premier degré, la justice distributive dans son rapport rétribution/contribution relativement à l’effort fourni pour son travail puis, la justice procédurale dénommée aussi « l’effet du processus juste » (p.54) pour traduire la manière dont les décisions sont prises dans et par l’organisation et la justice interactionnelle reliant la justice interpersonnelle comprise dans le sens de la qualité des relations entretenues entre managers et salariés et la justice informationnelle au regard de la diffusion de la communication sur les décisions prises au sein de l’entreprise.

Ces représentations permettent aux professionnels de mener une réflexion sur sa conduite éthique motivée par sa morale personnelle, d’apprécier tout l’intérêt de devenir un professionnel authentique sans mettre à mal son efficience garantissant les besoins fondamentaux attendus en reconnaissance sociale et en besoin matériel. La construction de ce contexte favorable de justice organisationnelle par l’apport de connaissances, de formations et d’entrainements des dirigeants, managers au sein des organisations est à mener pour contribuer à l’engagement, au bien-être, à l’équité, à la confiance et à l’épanouissement des salariés annihilant ainsi toutes autres formes managériales délétères nuisant au travail. Cet ouvrage est moteur et encourageant, une aide plus globalement au développement ou au maintien du sens du travail (Bernaud et al., 2015). L’ouverture vers l’élaboration et la construction d’outils complémentaires au service d’un management par le sens est devenu essentiel car au-delà de la signification du travail pour le salarié, l’environnement au sein de l’organisation détermine son niveau de sécurité, sa santé, et son style de vie. Le lecteur gagnera à explorer cet ouvrage, puis sans doute à le recommander et à le diffuser. Ce sera, indéniablement, une lecture utile.

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