Stefano Bartolini et Francesco Sarracino Heureux pour combien de temps ? Comment le capital social et la croissance économique influencent le bien-être subjectif .

Quels sont les éléments qui permettent de prédire l’évolution du bien-être subjectif ? Dans cet article, nous mettons en lien les évolutions du bien-être subjectif avec celles du capital social et du PIB. Nous montrons qu’à moyen ainsi qu’à long terme, le capital social est un bon prédicteur du bien-être subjectif. À court terme, cette corrélation est moins évidente, les variations du capital social ne permettent de prédire qu’une faible partie de celles du bien-être subjectif. Le PIB suit le mouvement inverse, confirmant ainsi le paradoxe d’Easterlin : le PIB est corrélé de façon plus forte au bien-être à court terme qu’à moyen terme, tandis qu’à long terme cette corrélation disparaît.

À propos des auteurs

Stefano Bartolini est professeur d’économie politique et sociale à la faculté de Sienne et Lauréat du prix UNESCO Stein Rokkan pour les sciences sociales. Bartolini pointe le paradoxe d’une « société de l’avoir » dans laquelle l’accès aux biens de consommation est supposé nous rendre heureux alors même qu’il détériore sensiblement le lien social. Sans pour autant promouvoir la décroissance, Bartolini prône « la qualité de l’expérience relationnelle » afin de réconcilier croissance et bien-être, en s’appuyant sur un ensemble de propositions issues d’expériences encourageantes relatives aux domaines tels que l’éducation, la santé ou encore la politique de la ville.

bartolini

Francesco Sarracino est économiste à Statec, l’office des statistiques du Luxembourg, et un membre associé du réseau scientifique du laboratoire de Recherche en comparaisons sociales, à la Higher School of Economics en Russie. Son travail consiste à identifier les politiques pour mettre la croissance économique compatible avec le bien-être des individus et le développement durable. Ses recherches se concentrent sur les pays développés et se basent sur des analyses infra et internationales.

Sarracino

 

Summary

What predicts the evolution over time of subjective well-being? We correlate the trends of subjective well-being with the trends of social capital and/or GDP. We find that in the long and the medium run social capital largely predicts the trends of subjective well-being. In the short-term this relationship weakens. Indeed, in the short run, changes in social capital predict a much smaller portion of the changes in subjective well-being than over longer periods. GDP follows a reverse path, thus confirming the Easterlin paradox: in the short run GDP is more positively correlated to well-being than in the medium-term, while in the long run this correlation vanishes.

Mots-clés

Capital social ; croissance ; paradoxe d’Easterlin ; court-terme ; long-terme.

Keywords

Social capital; growth; Easterlin paradox; short-term; long-term

Cet article est paru en 2014 sous le titre “Happy for how long? How social capital and economic growth relate to happiness over time” dans la revue Ecological Economics n°108 (p. 242-256)

Traduit par Vincent de Coignac.

L’article est disponible en format pdf dans le deuxième numéro. Pour y accéder, cliquer ici: SetB_2_ete2017

 

  1. Introduction

Le début des années 1970 a vu émerger des critiques de la croissance économique. L’argument selon lequel l’augmentation des émissions polluantes et l’exploitation des ressources naturelles mondiales imposées par l‘industrialisation n’étaient pas tenables sur le long terme (Meadows et al. 1972) fur l’un des point d’appui de ces critiques. À la même période, est apparue une autre vague de critiques de la croissance, initiée par des économistes tels que Galbraith, Scitovsky, Hirsch ou encore Hirschmann, qui mirent en question le lien de cause à effet entre le revenu et le bien-être. Cette vague de critiques n’eut cependant pas une importance suffisante pour l’inscrire durablement dans la théorie économique.

Easterlin (1974) fonda sa théorie sur la (non) relation entre croissance économique et bien-être subjectif à partir de l’analyse de données empiriques sur le bien-être subjectif (‘Subjective Well-Being’ – SWB) ou bonheur. Easterlin prouva que sur le long terme, l’augmentation des revenus n’avait pas de grande influence sur le bonheur. Cette théorie a reçu une attention grandissante depuis les années 1990 et a eu de façon plus générale un impact majeur dans la refonte du paradigme socio-économique, qui mettait traditionnellement l’accent sur le revenu comme condition principale du bien-être humain. Si cette critique n’a pas reçu autant d’écho que la critique environnementaliste, elle a cependant contribué à la révision des statistiques nationales qu’entreprennent de plus en plus les instituts officiels.

L’absence de corrélation entre le revenu et le bonheur moyens au cours du temps – désormais connu sous le nom de paradoxe d’Easterlin – s’explique notamment par les théories du « tapis roulant positionnel » ou du « tapis roulant hédonique ».

Selon les économistes, ces deux types de « tapis roulant » conditionnent les aspirations financières, qui, à leur tour, contrebalancent l’effet positif des revenus en hausse (voir par ex. Stutzer 2004). Ces théories présupposent que le bien-être subjectif est négativement corrélé au niveau d’aspiration salariale des individus. Ces aspirations peuvent dépendre du groupe de référence ou des revenus précédents de chacun. La comparaison à un groupe de référence est liée à la théorie du tapis roulant positionnel, qui met en avant les comparaisons salariales et statutaires entre individus dans les sciences économiques et sociales (voir par ex. Veblen, 1899 ; Duesenberry, 1949). La comparaison aux revenus précédents renvoie à la théorie du tapis roulant hédonique, qui est en ligne avec la théorie de l’adaptation (voir par ex. Frederick et Loewenstein, 1999).

La théorie de l’adaptation présuppose que les changements de conditions de vie (par exemple, des conditions économiques) ont un effet temporaire sur le bien-être. Ni une prospérité grandissante ni un rapport prolongé aux difficultés n’ont d’impact durable sur le bien-être. Ce modèle s’applique également au niveau macro, par exemple au niveau national (Blanchflower, 2009).

Selon la théorie de la comparaison sociale, ce qui compte en termes de satisfaction est la position de l’individu au sein d’un groupe défini de personnes considérées par l’individu comme dignes de respect et sources d’inspiration. Ces personnes constituent le « groupe de référence » (voir par ex. Falk and Knell, 2004 ; Layard et al., 2009 ; Di Tella et al., 2010 ; Ferrer-i Carbonell, 2005 ; Diener et al., 1993). Ainsi, l’amélioration globale des revenus induite par la croissance économique peut conduire à une augmentation négligeable du bien-être subjectif moyen puisque les pertes et gains se compensent. Un grand nombre d’études menées à petite échelle accréditent la théorie de l’adaptation aussi bien que celle de la comparaison sociale (Clark et al. 2008).

Il convient de souligner que l’essence du paradoxe d’Easterlin vient du conflit entre les échantillons représentatifs et les séries longitudinales. En effet, les données micro-économiques montrent que les individus avec un revenu plus élevé que les autres présentent un niveau de bien-être subjectif plus élevé, quelle que soit la période considérée. Les analyses sectionnelles montrent également que les pays avec un PIB plus élevé par habitant enregistrent de plus hauts niveaux de bien-être subjectif (Deaton, 2008 ; Stevenson et Wolfers, 2008 ; Ingleheart, 2010 ; Easterlin et Angelescu, 2009 ; Frey et Stutzer, 2002). Mais qu’en est-il des séries chronologiques ? Ces dernières méritent une attention particulière puisqu’elles sont plus à même que les analyses sectionnelles d’apporter une réponse à ce qui intéressent les gens : « dans quelle mesure l’augmentation de revenu (au-delà des niveaux de revenus déjà atteints) peut-elle augmenter le niveau moyen de bonheur ? C’est une question qui porte sur les liens entre séries chronologiques » (Layard et al., 2009, p.1). Le manque de relation entre le revenu et le bonheur se trouve dans les séries chronologiques.

Aujourd’hui, de nombreuses publications ont démontré l’hétérogénéité des séries chronologiques portant sur le bien-être subjectif selon le pays où l’on se trouve. (Stevenson et Wolfers, 2008 ; Inglehart, 2010). Il est avéré que lors des dernières décennies, le bien-être subjectif s’est accru dans certains pays et a diminué dans d’autres, à des rythmes différents. Par exemple, le bien-être subjectif a augmenté dans les pays d’Europe de l’Ouest alors qu’il a légèrement diminué aux États-Unis. Le paradoxe d’Easterlin sous-tend que la croissance économique ne prédit pas les changements internationaux des séries chronologiques du bien-être subjectif.

En résumé, le message principal qui ressort des études sur le bonheur, l’absence d’influence de la croissance économique sur le bien-être, justifiée par des théories et de nombreuses preuves empiriques, a contribué à une méfiance grandissante quant à l’utilisation du PIB comme indicateur du bien-être ou du progrès. De plus en plus d’intellectuels pensent qu’il est temps de concentrer les efforts que nos sociétés contemporaines dédient au PIB à des politiques de croissance économique basées sur « autre chose », du moins en partie. De nombreux candidats potentiels ont été mis en avant pour endosser le rôle de cette « autre chose » : la tolérance, la liberté politique, la religion, la santé, le capital social, l’environnement (Inglehart, 2010 ; Deaton, 2008 ; Vemuri et Costanza, 2006 ; Abdallah et al., 2008 ; Kahneman et al., 2004 ; OECD, 2011 ; Diener et Tov, 2012).

Cependant, le fait d’ajouter ou pas des indicateurs autres que le PIB (position soutenue par exemple par l’OCDE et la commission Sarkozy (Stiglitz et al., 2009)) voire même le remplacer complètement (voir par ex. Layard, 2005) demeure une pierre d’achoppement, même si ces désaccords sont confinés au sein d’un consensus émergeant autour d’un rôle plus limité du PIB à l’avenir.

Cependant, certaines études remettent en cause le message envoyé par les études sur le bonheur. Dernièrement, le paradoxe d’Easterlin a été remis en cause par deux publications de Stevenson et Wolfers (2008) ainsi que Sacks et al. (2010). Dans leurs journaux, particulièrement suivis, ils ont utilisé la même approche que celle d’Easterlin et ses collègues, sur la base d’une analyse bivariée, mais ils sont parvenus à des conclusions opposées. Ils ont trouvé que PIB et bien-être subjectif étaient positivement et significativement corrélés au cours du temps. Le désaccord entre Easterlin et ses collègues, d’une part, et Stevenson et Wolfers d’autre part provient essentiellement de l’horizon temporel des études. L’échantillon choisi par Stevenson et Wolfers incluait des séries à court terme et à long terme. Selon Easterlin et Angelescu (2009) et Easterlin et al. (2010), le désaccord découle de la difficulté à faire la distinction entre le court et le long terme. En effet, Easterlin et ses collègues ont montré que le PIB influençait le bien-être subjectif à court terme, mais que cette corrélation disparaissait à long terme. Ce résultat est en adéquation avec les études précédentes affirmant que le bien-être subjectif et le PIB suivent les mêmes évolutions durant les périodes de croissance et de déclin (Di Tella et al. 2001).

Lors d’une étude récente, Clark (dont nous parlerons plus tard) (voir aussi Clark et Georgellis, 2013) a mis en avant une seconde critique du message traditionnel des études sur le bonheur. Selon Clark, les alternatives possibles au PIB pourraient également ne pas être corrélées au bonheur sur le long terme. Clark soutient que les chercheurs ont mis l’accent sur le lien entre revenu et bien-être, découvrant ainsi que l’adaptation et la comparaison des revenus sont pertinents pour expliquer cette corrélation. Au contraire, très peu d’efforts ont été fournis pour comprendre si les différences sociales et l’adaptation sont pertinents dans les études portant sur le lien entre bien-être subjectif et les alternatives au PIB. Clark (voir suite) s’est penché sur les quelques articles portant sur ce sujet et il en a conclu qu’il existe des preuves de comparaisons sociales et/ou d’adaptation en lien avec le chômage, les mariages, divorces, veuvage, naissance du premier enfant, licenciements, santé, capital social et religion. Dans certains cas, comme celui du capital social, ces preuves paraissent faibles. Clark (voir suite) invite à une certaine prudence et à davantage de recherches avant de se précipiter vers « autre chose » que le PIB sans s’assurer que cet « autre chose » ne soit sujet aux mêmes limitations.

Pour résumer, les voix contestatrices actuelles viennent semer le trouble sur le message principal (à savoir les limites du PIB) envoyé par les études sur le bonheur. En effet, s’il s’avère que le PIB est un bon prédicteur du bien-être subjectif et que les critères alternatifs sont sujets à des limitations comparables, par exemple l’adaptation et les comparaisons sociales, alors tout cela pousserait à une certaine prudence quant au remplacement partiel ou total du PIB comme indicateur de bien-être et de progrès.

Le présent article va au contraire dans le sens du maintien du message traditionnel envoyé par les économistes du bonheur, c’est-à-dire une réaffirmation des limites du PIB comme indicateur de progrès. Puisqu’il a été prouvé que le bien-être subjectif est plus fortement corrélé au capital social qu’au PIB, sur le long et le moyen terme, cela suggère que la place centrale occupée par le PIB doit être repensée et que celle du capital social devrait s’accroître (Helliwell, 2011 ; Rogers et al., 2010 ; Bartolini, voir ensuite).

L’OCDE (2001, p.41) donne une définition du capital social (CS) alignée sur celle de Putnam (2000), comme étant « les groupes qui nous unissent de par les normes communes, les valeurs, et la compréhension facilitant la coopération à l’intérieur des groupes ou entre eux ». De nombreux articles scientifiques ont apporté la preuve que le capital social est intimement lié au bien-être subjectif dans les analyses transversales (voir les études pionnières de Helliwell (2001, 2006) et Helliwell et Putnam (2004 ; voir aussi Bruni et Stanca, 2008, Becchetti et al., 2008 et Bartolini et al., 2013). Becchetti et al. (2009) ont fait une étude de causalité, à partir d’informations récoltées en Allemagne, prouvant que le capital social exerce une forte influence sur le bien-être subjectif. La relation positive existant entre la religiosité et le bien-être subjectif pourrait provenir du capital social, comme le suggère Lim et Putnam (2009), qui ont trouvé que les personnes croyantes sont plus satisfaites de leur vie parce qu’elles ont régulièrement l’occasion d’assister à des cérémonies religieuses et de tisser des liens au sein de leurs congrégations.

Cependant, l’existence d’un lien transversal n’implique pas l’existence d’une corrélation à travers le temps. Après tout, le contraste entre les analyses transversales et les séries chronologiques à long terme constitue l’essence même du paradoxe d’Easterlin. Comme l’a noté Clark à juste titre, on pourrait retrouver ce contraste pour n’importe quel facteur influençant le bien-être subjectif. Cependant, la persistance du lien entre le bien-être subjectif et les facteurs qui l’influencent demeure l’une des questions à éclaircir. Et plus particulièrement, à notre connaissance, le seul corrélat du bien-être auquel ont été appliquées les techniques utilisées par Stevenson, Easterlin et ses compères pour mettre en relation les séries chronologiques est le PIB. En ce qui concerne le capital social, nous tentons de combler ce fossé.

Nous apportons la preuve du lien entre le bien-être subjectif et le capital social en étudiant leur corrélation à court, moyen et long terme. En utilisant des séries chronologiques provenant du WVS/EVS et ESS, nous appliquons la même méthodologie bivariée qui a été utilisée pour prouver la relation entre le bien-être subjectif et la croissance (Stevenson et Wolfers, 2008 ; Sacks et al., 2010 ; Easterlin et Angelescu, 2009 ; Easterlin et al. ,2010). Le résultat est que les variations du capital social prédisent en grande partie celle du bien-être subjectif à moyen et long terme, et que ce lien faiblit à court-terme.

De plus, nous apportons de nouvelles preuves du lien entre le bien-être subjectif et le PIB à moyen et à court terme. Le PIB suit une évolution contraire à celle du capital social puisque son importance s’accroît avec la réduction de la durée des séries chronologiques. Plus précisément, le PIB n’influence pas le bien-être subjectif à long terme, il devient important à moyen terme et cette importance croît à court terme. Nos résultats suggèrent donc, conformément à ce que prétendent Easterlin et ses collaborateurs, qu’il est important de distinguer les différentes périodes d’études des séries chronologiques, puisque les résultats dépendent du laps de temps étudié.

Cette preuve est en phase avec les deux notions selon lesquelles le revenu est sujet à l’adaptation et aux comparaisons sociales et avec l’idée qu’à l’inverse, le capital social n’en dépend pas. Même s’il est possible qu’il y ait certaines relations fallacieuses et/ou la présence d’endogénéités qui inciteraient à la prudence pour interpréter ces résultats, il semble bien que la route vers le bonheur durable emprunte d’avantage le chemin du capital social que celui de la croissance économique. Cette thèse semble au moins être valable pour les pays développés, qui représentent la majorité de notre échantillon.

L’article est organisé comme suit : la section 2 expose les données, alors que la section 3 aborde l’aspect méthodologique. La section 4 présente les résultats et la section 5 la conclusion.

  1. Données

Les pays présents dans notre échantillon sont ceux pour lesquels nous disposons de séries chronologiques sur le capital social, et ces derniers sont peu nombreux. Nos principales sources d’information sont les bases de données du WVS/EVS (World Values Survey / European Values Study) et du ESS (European Social Survey). Lors de l’analyse de la relation des variations entre capital social, PIB et bien-être subjectif à long terme, nous avons utilisé les données du WVS/EVS. Pour l’étude à moyen et court terme nous avons opté pour les données de l’ESS.

2.1 World Values Survey et European Values Study

La base de données WVS/EVS offre un large recueil d’enquêtes réalisées dans plus de 80 pays représentant ensemble plus de 80% de la population mondiale. Cette base de données fournit des informations sur les variables économiques, sociales et culturelles, en sondant des échantillons représentatifs à chaque fois. En particulier, la base de données recèle d’informations sur les « croyances individuelles en termes de politique, d’économie, de religion, de société, d’éthique, de finances personnelles, de famille, de relations sociales, de bonheur et de satisfaction ». Les informations ont été collectées lors de six périodes différentes (1980-84 ; 1989-93 ; 1994-99 ; 1999-2004 ; 2005-2007 ; 2008-2009) pour un total de plus de 400 000 observations couvrant une période d’une trentaine d’années.

Cependant, la présente étude se focalise sur un échantillon plus petit de 27 pays et regroupant un total de 169 000 observations. Cette restriction est due au nombre réduit de séries chronologiques incluant les variables évoquées précédemment et présentant donc un intérêt pour notre étude. L’horizon temporel à partir duquel nous parlons de long terme est de 15 ans.

Notre échantillon se limite à l’étude des pays pour lesquels au moins 3 études de données sont disponibles pour le bien-être subjectif et le capital social. Ce choix a été fait pour réduire les risques que les variables pertinentes soient influencées par des chocs liés à une vague en particulier ou des erreurs de mesures. Ce choix est un compromis entre n’utiliser que deux études, ce qui maximiserait le risque mentionné précédemment, et en utiliser quatre ou plus, ce qui réduirait considérablement notre échantillon.

De plus, notre échantillon ne comprend pas les économies de transition parce que lors des premières années de transition vers le capitalisme, le choc économique, culturel et institutionnel est si grand qu’il affecte vraisemblablement le bien-être subjectif bien au-delà de la façon dont il pourrait être influencé par le capital social ou le PIB. L’inclusion des données récoltées à l’aube de cette transition, qui ont de grandes chances d’être influencées par ces éléments perturbateurs, peuvent conduire à des conclusions hasardeuses. Ainsi, le besoin d’étudier la relation de nos variables à travers le temps dans des conditions stables nous a obligé à exclure les économies de transition pour l’analyse à long terme.

Le bien-être subjectif dans le WVS/EVS est observé à travers la réponse à deux questions : la première porte sur le sentiment général de bonheur et la seconde porte sur la satisfaction de vie de la personne interrogée. Plus spécifiquement, la première variable dépend de la réponse à la question suivante « De façon générale, vous diriez que vous êtes 1. Très heureux ; 2. Plutôt heureux ; 3. Pas très heureux ; 4. Pas du tout heureux ». Cette variable a été codée pour que la réponse « très heureux » corresponde à la valeur la plus élevée, quatre, et que la catégorie « pas du tout heureux » corresponde à la valeur la plus faible, un.

La seconde mesure du bien-être subjectif est la satisfaction de vie. Cette variable est évaluée grâce à la question « De façon générale/Tout bien considéré, à quelle hauteur êtes-vous satisfait de votre vie en général ces derniers temps ? ». Les réponses possibles varient sur une échelle de 1 à 10, le 1 étant la plus petite valeur correspondant à « insatisfait » et la plus grande à « satisfait ».

Les deux variables proxy au bien-être subjectif (bonheur et satisfaction de vie) ne sont pas toujours évaluées lors d’une même série. Ainsi, notre analyse est basée sur des sous-ensembles de la base de données qui regroupent conjointement les deux variables de substitution du bien-être subjectif à la fois ainsi que celles du capital social. À l’inverse, la disponibilité des données mesurant le PIB n’a posé aucun problème.

Nous avons mesuré le capital social individuel en observant la réponse des participants quant à leur implication dans différents groupes et associations. Pendant les entretiens, les personnes étaient interrogées sur leur implication ou non en tant que membre d’un certain groupe ou d’une certaine association. Les listes contenaient différents groupes religieux, culturels, sportifs, professionnels et bien d’autre types d’associations. Nous avons créé une variable dichotomique en prenant 1 comme valeur si la personne interrogée déclare faire partie d’au moins l’un de ces groupes ou associations et 0 dans le cas contraire.

Enfin, nous avons inclus les données traitant du PIB par habitant (moyenne de 2000$) provenant des Indicateurs Mondiaux de Développement (Word Development Indicators en anglais, WDI). De même, nous utilisé le logarithme du PIB pour prendre en considération la relation non linéaire entre le bien-être subjectif et le PIB (Easterlin et al., 2010 ; Sacks et al., 2010).

2.2 European Social Survey

Lors des calculs des variations à court et moyen termes, nous avons recours aux données ESS. Pour réduire l’horizon de temps de notre analyse nous pouvions en principe diviser notre période d’observation au niveau des données WVS/EVS en de sous-périodes plus courtes séparées par un certain lapse de temps entre chaque vague. Cependant, dans notre échantillon WVS/EVS, le lapse de temps entre deux plages de données est très irrégulier, allant de 1 à 14 ans. Par conséquent, pour les données WVS/EVS, il n’est pas possible d’attribuer les variations entre deux plages de données à l’horizon de temps (court, moyen ou long terme). Le fait d’avoir des données à intervalle régulier est le point clé nécessaire pour identifier quel horizon de temps est étudié par ces intervalles.

Ainsi, lors du calcul des variations à moyen et long terme, nous avons utilisé les données de l’ESS pour lesquelles l’horizon temporel ne dépassait pas 6 ans, période que l’on peut raisonnablement considérer comme moyen terme. De plus, il est possible de calculer les changements sur le court terme en divisant cette période de 6 années d’observations en plusieurs sous-périodes, les plus courtes possibles, définies par l’intervalle de temps entre deux plages de données consécutives. Dans la base de données ESS, cette période est de 2 ans pour la quasi-totalité des pays. Nous avons ainsi divisé les séries chronologiques disponibles dans l’ESS en intervalles biannuels pour chaque pays et nous avons analysé les différences entre deux plages de données pour chaque variable séparément. Ces intervalles biannuels sont assez courts pour être considérés comme relevant du court terme.

Cependant, ce choix a un coût : l’ESS ne fait état d’activités associatives que pour 2 années (2002 et 2004), ce qui s’avère être trop peu pour nos objectifs, alors qu’elle présente des séries chronologiques au sujet de la confiance sociale sur toute la période. Cela nous oblige à considérer la confiance sociale comme élément de substitution au capital social dans l’ESS. Ce changement dans la mesure du capital social vient mettre en question la comparabilité des résultats à long terme avec ceux obtenus pour des durées plus courtes. Pour fournir la preuve au sujet de cette comparabilité des résultats nous avons vérifié la cohérence des estimations à moyen terme de l’ESS avec celles du WVS/EVS. Il est possible de faire des estimations à moyen terme avec le WVS/EVS à condition de garder dans l’échantillon uniquement les plages de données dont la durée est comprise en 3 et 6 ans. Cependant, ce test est relativement approximatif parce que le nombre d’observations aurait triplé si les enquêtes WVS/EVS étaient réalisées à intervalle régulier, par exemple tous les 5 ans. Le nombre d’observations n’augmente que légèrement lorsqu’on passe du long terme au moyen-terme, le nombre de pays diminuant de 27 à 19. Ainsi, l’échantillon de pays disponibles pour l’analyse à moyen-terme dans le WVS/EVS diffère quelque peu de celui utilisé pour l’analyse à long terme.

L’ESS (European Social Survey ou Enquête Sociale Européenne) a été réalisée pour la 1e fois en 2002 et depuis, elle a été conduite régulièrement tous les deux ans, en 2004, 2006 et 2008. L’ESS a été conçue pour observer l’interaction entre les institutions et les attitudes, les croyances et les comportements des Européens. Cette caractéristique fait de l’ESS une source d’information utile pour la présente étude puisqu’elle fournit des informations, parmi d’autres, au sujet du capital social et du bien-être pour un échantillon assez large de pays sondés à intervalle régulier au cours du temps. Cependant, du fait de sa dimension uniquement européenne, il fournit des informations sur un plus petit nombre de pays (à peu près 30) comparé au WVS/EVS.

On dénombre 24 pays dans l’échantillon actuel regroupant à peu près 153 800 observations. Ce dernier est constitué de pays d’Europe occidentale, d’économies de transition d’Europe de l’Est, de la Turquie et d’Israël. Dans le cas présent, nous avons inclus les économies en transition dans notre échantillon ESS parce que les premières enquêtes datent de plus de 10 ans après le choc institutionnel. Cette période est vraisemblablement assez longue pour minimiser l’importance de l’impact de la chute du socialisme sur nos variables. Enfin, nous avons éliminé la Bulgarie, Chypre, l’Italie, le Luxembourg et la Russie parce que ces pays n’ont été sondés qu’en 2002 et 2004, ce qui est insuffisant pour réaliser une étude à moyen-terme.

Comme pour le WVS/EVS, le questionnaire de l’ESS inclut des questions sur le bonheur et la satisfaction de vie. La formulation de la question sur la satisfaction de vie est identique à celle posée dans le WVS/EVS. La seule différence est que la réponse doit être donnée sur une échelle allant de 0 à 10 au lieu de 1 à 10 (0 signifiant « particulièrement insatisfait » et 10 signifiant « extrêmement satisfait »).

La formulation de la question sur le bonheur diffère légèrement de celle posée dans le WVS/EVS (« de façon générale, à quel point diriez-vous que vous êtes heureux ? »), et les réponses possibles vont de 0 (« particulièrement malheureux ») à 10 (« particulièrement heureux »), au lieu de l’échelle de Likert allant de 1 à 4 dans le WVS/EVS.

Comme indiqué précédemment, dans l’ESS, la seule mesure disponible en lien avec le capital social pour toute la période étudiée est la confiance sociale. Plus précisément, la confiance est mesurée par les réponses à 3 questions. Les personnes interrogées évaluent leur perception au sujet de trois choses différentes : premièrement le degré de confiance que l’on peut attribuer à la plupart des personnes, deuxièmement le fait de savoir si les gens profitaient d’eux et enfin s’ils essayaient plutôt d’aider les autres ou de penser plutôt à eux. La réponse à chacune des 3 questions variait sur une échelle de 0 à 10, dans laquelle la valeur la plus basse correspondait au moins bon jugement et la plus grande au meilleur jugement.

Au vu des similitudes entre ces trois questions, que ce soit en termes de formulation ou de signification, nous avons mené une analyse des facteurs pour vérifier s’ils pouvaient ou non se substituer à un concept latent. Nous avons d’abord réalisé cette analyse sur l’échantillon global (voir Tableau D.14), et ensuite nous avons analysé l’échantillon par plage de données (voir Tableau D.15). Dans les deux cas, les coefficients de saturation semblent indiquer que les trois variables reflètent globalement le même concept fondamental que nous avons nommé confiance sociale. Ainsi, dans nos analyses régressives, nous avons utilisé l’indice de confiance sociale obtenu en réalisant la moyenne de ces facteurs d’analyse.

Finalement, nous avons utilisé la forme logarithmique du PIB par habitant (moyenne de 2000 dollars) provenant des Indicateurs de Développement Mondial (World Development Indicators en anglais).

  1. Stratégie Empirique

Les précédents travaux empiriques traitant de la relation entre la croissance économique et le bien-être subjectif au cours du temps sont basés sur des régressions bivariées réalisées à partir de mesures globales du bien-être subjectif et des revenus par habitant (Stevenson et Wolfers, 2008 ; Sacks et al., 2010 ; Easterlin et Angelescu, 2009 ; Easterlin et al., 2010). Notre préoccupation première étant de s’interroger sur la relation entre le capital social et le bien-être subjectif au cours du temps, une stratégie qui vient naturellement à l’esprit est d’adopter la même approche bivariée, où, bien entendu, nous remplaçons le capital social par le PIB dans notre modèle de régression de référence (voir les Équations (3) et (4)). De plus, nous avons tenté d’exploiter le potentiel des séries chronologiques au sujet du capital social et du PIB pour prédire les variations du bien-être subjectif au cours du temps.

À partir de ces objectifs, nous avons développé notre stratégie empirique en trois parties : i) nous avons calculé les tendances des variables proxy du capital social, du PIB et du bien-être subjectif ; ii) nous avons réalisé des régressions bivariées des tendances du bien-être subjectif avec celles du capital social et celles du logarithme du PIB par habitant séparément. Dans le second cas, cette méthode a été utilisée pour reproduire, au sein de nos échantillons, ce qui a été réalisé lors de précédentes études sur la relation entre le bien-être subjectif et le PIB au cours du temps ; iii) nous avons réalisé des régressions trivariées du bien-être subjectif à partir des tendances du logarithme du PIB et du capital social pour justifier d’éventuelles corrélations hasardeuses.

Ce risque ne doit d’ailleurs pas être sous-estimé. En effet, les différents écrits traitant de la croissance économique et du capital social mettent en avant la relation vraisemblable entre ces deux notions sur plusieurs points (Knack et Keefer, 1997 ; Roth, 2009 ; Zak et Knack, 2001). Par exemple, Putnam et al. (1993) ont montré que le capital social peut favoriser la croissance économique de plusieurs façons. Inversement, et depuis de nombreuses années, de nombreux articles montrent la diminution de capital social avec l’augmentation de la croissance économique (Polanyi, 1968 ; Hirsch, 1976) (voir aussi Bartolini et Bonatti (2008)). Ce qu’implique la potentielle relation entre PIB et capital social, c’est que les corrélations bivariées avec le bien-être subjectif peuvent être entachées de corrélations fallacieuses. Cependant, nos découvertes suite à notre analysée trivariée semble écarter cette éventualité.

3.1. Estimation des tendances

Nous avons calculé les tendances à court et long terme pour les différentes variables proxy du capital social et du bien-être subjectif par régression sur une variable temporelle contenant toutes les années durant lesquelles la variable d’étude a été mesurée (Easterlin et Angelescu, 2009 ; Easterlin et al., 2010). Les tendances sont calculées séparément pour chaque pays. Le coefficient de la variable temporelle donne une estimation moyenne de la variation annuelle pour la variable concernée.

Du fait de la variété du nombre d’indicateurs du capital social et du bien-être subjectif, notre méthodologie de régression varie selon la nature de la variable étudiée : dans le cas d’une variable dichotomique (i.e. l’appartenance à des groupes ou associations), nous avons opté pour un modèle probit avec des erreurs-types robustes sur les effets marginaux. L’équation qui en résulte est la suivante :

Pr(Proxyij=1ǀßФANNEEij)= ɸ (βj.ANNEEijij) (1)

Où Φ est la fonction de répartition d’une loi normale centrée réduite. L’indice j représente les différents estimateurs du capital social et du bien-être subjectif, tandis que le i correspond aux individus. Les effets marginaux des coefficients sont ensuite calculés.

Dans le cas d’une variable dépendante ordonnée prenant des valeurs discrètes (i.e. sentiment de bonheur ou satisfaction dans la vie) il est conseillé d’appliquer des modèles probit ou logit ordonnés (Ferrer-i Carbonell, 2005). Cependant, il a été prouvé à maintes reprises que dans de telles circonstances, l’utilisation d’un modèle OLS équivaut à ces alternatives techniques en termes de signe et de signification des coefficients (Ferrer-i Carbonell et Frijters, 2004 ; Blanchflower, 2009). De plus, les modèles OLS possède un avantage important : ils permettent une comparaison directe entre variables explicatives issues de plusieurs régressions. C’est pourquoi nous avons opté pour le modèle OLS suivant :

Proxyij=α+ βjANNEEij+μij (2)

La même équation est utilisée pour calculer la variation de l’index de confiance sociale (dans l’ESS) et du logarithme du PIB par habitant.

Lors des études précédentes, d’autres méthodes ont été mises en place pour calculer la croissance économique. Easterlin et Angelescu (2009) et Easterlin et al. (2010) ont utilisé le taux de croissance du logarithme du PIB, alors que Stevenson et Wolfers (2008) et Sacks et al. (2010) ont opté pour la différence entre le logarithme du PIB entre le début et la fin de la période. Les deux méthodes négligent quelque peu les variations du PIB entre le début et la fin de l’année dans les séries chronologiques. Le problème de ce choix est que l’information intermédiaire est mise de côté, augmentant ainsi les risques que la variation du PIB soit affectée par les biais de chaque plage de données dues aux chocs et/ou aux erreurs de mesure. Notre estimation de la variation annuelle du logarithme du PIB minimise ce risque parce qu’il prend en compte l’information intermédiaire.

Pour calculer les variations à court terme, nous avons découpé notre période d’observation en sous-périodes les plus petites possibles, définies par les intervalles entre deux plages de données consécutives (voir Section 2). Cet exercice est réalisable uniquement dans le cas des intervalles réguliers présents dans la base de données ESS. Dans ce cas, nous avons tout simplement calculé la variation de la variable étudiée dans l’intervalle déterminée par deux plages consécutives.

De plus, il est admis que le bien-être subjectif est influencé par de nombreuses variables macro et micro économiques qui peuvent affecter le lien entre les variables étudiées (voir, par exemple, Di Tella et MacCulloch, 2008).

Pour tester la solidité de nos estimations face à la confusion induite par ces facteurs, nous avons estimé les variations en incluant également toute une panoplie de variables sociodémographiques de contrôle. Parmi elles, l’âge, l’âge au carré, le genre, le statut marital, la situation professionnelle et le nombre d’années de scolarité.

Les variations de nos variables à long, moyen et court terme ont été calculées en appliquant l’équilibre initial fourni par le WVS/EVS ou l’ESS.

3.2 Analyses bivariées et trivariées

Pour vérifier la corrélation entre les variations du bien-être subjectif et du capital social ou du PIB à, respectivement, long, moyen et court terme nous avons réalisé des régressions linéaires bivariées avec de fortes erreurs-types. Nous avons considéré les deux modèles suivants :

SWBjtendance = α+ β.CSjtendancej                              (3)

SWBjtendance = α+ β.lnGDPjtendancej             (4)

Où SWB­­­trend, SCtrend et InGDPtrend correspondent aux variations prévues du bien-être subjectif, capital social et PIB calculé auparavant ; µ désigne le terme d’erreur et l’indice j renvoie aux différents pays. Pour permettre la comparaison des coefficients au sein des modèles de régression, nous avons utilisé des variables standards. Ces dernières sont standardisées en leur retirant d’abord leur moyenne et les divisant ensuite par leur écart type.

Il faut bien noter que notre méthode est différente de celle utilisée par Easterlin et ses collègues. Leur méthode a été de mesurer les variations à court terme du bien-être subjectif et du logarithme du PIB et de la considérer comme « l’écart de la valeur actuelle par rapport à la valeur tendancielle à chaque instant », définissant ainsi le court terme comme un écart aux tendances à long terme. Contrairement à Easterlin et ses collègues, notre méthode nous permet de comparer directement les coefficients à court terme avec ceux à long terme des Équations (3)-(5).

Pour écarter l’éventualité selon laquelle nos régressions bivariées sont le résultat de corrélations fallacieuses, nous avons également réalisé différentes régressions trivariées pour lesquelles nous avons mis en lien les variations du bien-être subjectif avec celles du capital social en même temps que celles du PIB. Par conséquent, nous avons testé le modèle linéaire comprenant de fortes erreurs-types qui apparaît comme une équation trivariée :

(5) SWBjtendance = α+ β1.lnGDPjtendance+ β2.CSjtendancej                             

Où l’unique différence avec l’Équation (3) est qu’elle comporte une troisième donnée prenant en compte les variations du logarithme du PIB. Enfin, nous avons testé la validité des résultats découlant de l’Équation (5) en utilisant les tendances calculées en contrôlant les variables individuelles et sociodémographiques.

Figure 1a. Corrélation long-terme entre le sentiment de bonheur et le capital social

1a

Figure 1b. Corrélation long-terme entre le sentiment de satisfaction de vie et le capital social

1b

Figure 2a. Corrélation long-terme entre le sentiment de bonheur et le log PIB

2a

Figure 2b. Corrélation long-terme entre le sentiment de satisfaction de vie et le log PIB

2b

  1. Résultats

4.1 À long terme (15 ans)

À long terme, les variations de satisfaction de vie et de bonheur sont fortement et positivement corrélées aux évolutions du capital social (voir Graphiques 1a et b). L’augmentation d’une unité d’écart type au niveau des variations de l’appartenance à un groupe correspond à une augmentation de 0,62 point dans l’évolution du bonheur et de 0,30 point dans la variation de la satisfaction dans la vie.

Les Graphiques 2a et b nous montre que lorsque l’on remplace le capital social par le PIB, les évolutions à long terme ne sont pas corrélées à celles de la satisfaction dans la vie, et elles sont significativement et négativement corrélées à celles du bonheur.

Tableau 1. Régressions tridimensionnelles des tendances des proxys du bien-être subjectif sur les tendances du capital social et du PIB (variables standardisées)

Bonheur Satisfaction de vie
Participation à un groupe ou une association 0.608**

(2.19)

0.330**

(3.58)

Log PIB -0.0100

(-0.07)

0.0447

(0.35)

Constante -0.690**

(-3.88)

-0.634*

(-6.87)

Observations 27 27
R2 ajusté 0.302 0.087

t statistiques entre parenthèses

*P<0.10

**P<0.05

*** p<0.001

Les résultats découlant de l’analyse trivariée viennent grandement confirmer la conclusion de l’analyse bivariée (voir Tableau 1). L’ampleur et l’importance des coefficients du capital social restent similaires à ceux obtenus suite à l’analyse bivariée. La seule exception concerne la corrélation négative à long terme entre le bonheur et le PIB, qui s’avère être non-significative.

Selon Stevenson et Wolfers (2008), les échantillons de plusieurs pays du WVS/EVS ne sont pas représentatifs de la population totale. Cependant, comme indiqué en G, nos résultats sont robustes pour les autres pays. Et ils le sont également pour tous les résultats obtenus suite à l’étude avec les variables sociodémographiques de contrôle.

Ce qu’il faut retenir de l’analyse à long terme est que le capital social est un bon prédicteur du bien-être subjectif. En ce qui concerne le PIB, nos résultats vont dans le sens du paradoxe d’Easterlin.

4.2 À moyen terme (3 à 6 ans)

Easterlin et Angelescu (2009) et Easterlin et al. (2010) affirment que le lien entre le bien-être subjectif et le PIB varie si l’on recentre le débat sur des périodes plus courtes.

Les résultats sur le lien entre le bien-être subjectif et le capital social varient-ils également si l’on se place à plus court terme ? Nous avons tenté de répondre à cette question en concentrant notre analyse plutôt sur le moyen et le court terme plutôt que sur le long terme. Pour les raisons déjà évoquées dans la Section 2, nous avons commencé par une analyse des données de l’ESS avant de nous pencher sur la base de données WVS/EVS pour donner une analyse approximative de la comparabilité des résultats en utilisant différentes mesures du capital social.

En ce qui concerne nos estimations à moyen terme, l’écart observé entre les premières et les dernières données disponibles est d’au moins 6 ans pour la plupart des pays de l’échantillon. Pour l’Autriche, l’Estonie, la Slovaquie et l’Ukraine, nous ne possédons que 3 plages de données sur les quatre normalement disponibles. Pour ces pays, l’intervalle de temps maximum est de 4 ans.

Figure 3a. Corrélation long-terme entre le sentiment de bonheur et le capital social

3a

Figure 3b. Corrélation long-terme entre le sentiment de satisfaction de vie et le capital social

3b

Figure 4a. Corrélation long-terme entre le sentiment de bonheur et log PIB

4a

Figure 4b. Corrélation long-terme entre le sentiment de satisfaction de vie et log PIB

4b

À moyen terme, nous avons trouvé qu’il existait une corrélation bivariée positive entre les variations du bien-être subjectif et l’indice de confiance sociale. Les Graphiques 3a et b résument graphiquement ce résultat.

Les coefficients sont significatifs pour les régressions réalisées pour la satisfaction de vie et le bonheur. Une variation d’une unité de l’écart type de l’indice de confiance sociale correspond à une augmentation de 0,81 point et de 0,75 point respectivement dans la variation du bonheur et de la satisfaction dans la vie. La position de la Turquie dans le diagramme de dispersion, qui apparaît comme une observation aberrante, peut jeter un certain doute sur le fait que l’inclusion de ce pays est à l’origine de nos résultats. Pourtant, ce n’est pas le cas. Même si l’on ne prend pas en compte la Turquie, les coefficients restent importants et significatifs.

En ce qui concerne le PIB, les Graphiques 4a et b montrent que le coefficient du PIB devient positif et peu signifiant pour le bonheur, alors qu’il reste insignifiant pour la satisfaction dans la vie.

Tableau 2. Régressions tridimensionelles des changements de variations en bien-être subjectif sur les indexes de confiance social et de PIB (variables standardisées)

Bonheur Satisfaction de vie
Indexe de confiance sociale 0.797***

(4.03)

0.731***

(8.06)

Variations en log PIB (2 ans) 0.568***

(4.69)

0.323***

(4.73)

Constant -7.96 e-10

(-0.00)

5.56 e -10

(0.00)

Observations 24 24
R2 ajusté 0.702 0.630

t statistiques entre parenthèses

*P<0.10

**P<0.05

*** p<0.001

Ce dernier coefficient s’avère être significatif (à 10%) dans nos régressions trivariées, lorsque l’importance du coefficient du bonheur augmente de 5%. Les deux coefficients conservent une importance similaire à celle observée lors de l’analyse bivariée (voir le Tableau 2).

Figure 5a. Corrélation entre les changements court terme de bonheur et de capital social

5a

Figure 5b. Corrélation entre les changements court terme de satisfaction de vie et de capital social

5b

Lorsque l’on prend en compte les variations du capital social, les analyses trivariées confirment les résultats des régressions bivariées, que ce soit pour l’ampleur des coefficients (0,79 pour le bonheur et 0,73 pour la satisfaction dans la vie) ou pour leur forte importance.

Les coefficients du capital social s’avèrent être non seulement plus de 2 fois plus importants que ceux du PIB mais aussi plus significatifs d’un point de vue statistique. Il est intéressant de noter que l’ampleur mais aussi l’importance des coefficients du capital social et du logarithme du PIB sont similaires lors des régressions sur le bonheur et la satisfaction dans la vie.

Ces résultats restent valables lorsque l’on exclut les pays comme la Turquie de notre échantillon. Néanmoins, dans ce cas, l’importance des coefficients est moindre, mais cela est probablement dû à la taille réduite de l’échantillon (16 pays).

De plus, les liens que nous avons établis sont confirmés par l’analyse à moyen terme que nous avons réalisée en utilisant les activités associatives comme mesure du capital social et la base de données WVS/EVS (voir Tableau 3). La principale différence dans le cas présent concerne la satisfaction dans la vie puisqu’ici, le coefficient du capital social est non significatif. Cependant, de précédentes études ont remis en question la fiabilité des données sur la satisfaction de vie présentes dans le WVS/EVS (Stevenson et Wolfers, 2008). Mais les chiffres sur le bonheur sont en adéquation avec ceux de l’ESS : les évolutions des activités associatives sont positivement et significativement corrélées à celles du bonheur et la croissance économique devient plus pertinente. Dans le dernier cas, le coefficient demeure non significatif, mais sa valeur augmente fortement et la borne inférieure de l’intervalle de confiance n’est que faiblement négative. Les résultats énoncés restent fiables même avec l’inclusion des variables individuelles et sociodémographiques de contrôle.

En conclusion, les résultats à long et moyen terme ne diffèrent pas en ce qui concerne le capital social, qui se présente donc comme un bon prédicteur du bien-être subjectif dans les deux cas. Nos résultats varient pour le PIB, dont la capacité prédictive n’est fiable que pour l’analyse à moyen terme.

4.3. À court terme (2 ans)

L’image dépeinte par les analyses à long et moyen terme mettant en avant les corrélations faibles voire inexistantes entre les variations du bien-être subjectif et du PIB et les liens forts entre bien-être subjectif et capital social, est complètement remise en question par l’analyse à court terme.

Les données de l’ESS nous ont permis de réduire la longueur de nos plages de données pour pouvoir se focaliser sur les liens entre nos variables étudiées lors des variations biannuelles.

Les Graphiques 5a et b montrent qu’à court terme le bonheur, au même titre que la satisfaction dans la vie, est positivement et significativement corrélé à l’indice de confiance sociale. Il est important de souligner que l’importance et l’ampleur des coefficients de confiance sociale sont bien plus faibles et moins significatifs que lors de l’analyse à moyen terme, que ce soit pour les régressions du bonheur ou de la satisfaction dans la vie.

Figure 6a. Corrélation entre les changements court terme de bonheur et de log PIB

6a

Figure 6b. Corrélation entre les changements court terme de satisfaction de vie et de capital social

6b

Les Graphiques 6a et b nous apportent la confirmation des résultats obtenus précédemment dans différentes études. À court terme, les variations du bien-être subjectif, évalué à travers le bonheur ou la satisfaction dans la vie, sont largement et significativement corrélées aux variations à court terme du PIB. Les coefficients sont particulièrement élevés au seuil de significativité de 1% : une augmentation d’un point au niveau de l’écart type du logarithme du PIB conduit à une augmentation de 0,59 point au niveau du bonheur et de 0,54 au niveau de la satisfaction dans la vie.

En somme, l’analyse bivariée nous amène à penser que lorsque l’on écourte la période étudiée, la corrélation entre bien-être subjectif et capital social s’affaiblit. Mais d’autre part, la corrélation entre bien-être subjectif et PIB est fortement renforcée.

Les régressions trivariées viennent conforter ce résultat. Dans le Tableau 4, la première colonne montre l’importance des coefficients, positifs, du capital social et du PIB. Contrairement à ce que l’on observe lors de nos analyses à plus court terme, le coefficient du logarithme du PIB est presque 2 fois plus élevé que celui du capital social. L’augmentation d’un point de l’écart type du logarithme du PIB entraîne une augmentation de 0,57 point du bonheur, tandis que les variations de la confiance sociale ne sont associées qu’à une augmentation de 0,25 point. Ce résultat est encore plus frappant si l’on regarde la deuxième colonne du Tableau 4. En effet, lors des régressions sur les variations de la satisfaction dans la vie avec celles respectivement du capital social et du PIB, le coefficient de confiance social n’est pas significatif, bien que positif, alors que le coefficient du PIB reste particulièrement important (0,52) et significatif à 1%.

Pour résumer, nous avons pu prouver que les variations du capital social au cours du temps, calculées à travers l’appartenance à un groupe et la confiance sociale, sont de forts prédicteurs de l’évolution du bien-être subjectif. Cependant, ce lien diminue lorsque l’on réduit l’horizon temporel, c’est à dire lorsque l’on passe d’une perspective à moyen ou long terme à un horizon à plus court terme. Lorsque l’on étudie les évolutions sur une période de 15 ans ou plus, les changements du capital social sont fortement corrélés avec le bien-être subjectif, alors que la croissance économique ne possède aucun pouvoir prédictif notable, comme l’ont très justement souligné Easterlin et ses collègues.

La valeur et les différents niveaux d’importance des coefficients sont extrêmement stables lorsque l’on passe d’un modèle à l’autre et que l’on suit un modèle bien établi : en passant d’une perspective à moyen terme vers un horizon à court terme, les coefficients de variation du capital social sont pratiquement divisés par 3. De la même façon, les coefficients du PIB sont eux doublés. En d’autres termes, nos résultats nous amènent à penser qu’à court terme, les fluctuations du PIB sont intimement liées à celles du bonheur. Cependant, ce lien s’atténue à moyen-terme, jusqu’à disparaître à long terme. Ces résultats restent valables lorsqu’on inclut les variables sociodémographiques de contrôle.

Conclusions

De nombreuses publications au niveau micro économique viennent appuyer l’idée selon laquelle le capital social est corrélé au bien-être subjectif. Néanmoins, l’existence d’une corrélation sectionnelle n’implique pas forcément l’existence d’une corrélation entre les différentes évolutions. Le capital social est-il également un prédicteur du bonheur au cours du temps ? Les différentes études se focalisent en général sur la relation temporelle entre PIB et bonheur, mais ne passe que très rapidement sur la question du capital social. Le but de notre recherche est de comparer les évolutions du PIB et du capital social comme prédicteurs des évolutions du bien-être subjectif. Plus précisément, nous avons réalisé des régressions bivariées et trivariées des évolutions du bien-être subjectif avec celles du capital social et/ou du PIB, en utilisant une méthodologie semblable à celle utilisée par Stevenson et Wolfers (2008), Sacks et al. (2010), Easterlin et Angelescu (2009) et Easterlin et al. (2010). Nous avons analysé trois horizons temporels différents : le long, le moyen et le court terme.

Pour l’étude à long terme, notre source d’information est le WVS/EVS et en ce qui concerne le moyen et le court terme, nous avons utilisé les données de l’ESS. Ces bases de données fournissent des séries chronologiques comparables sur le capital social et le bien-être subjectif pour de nombreux pays du monde (WVS/EVS) ou d’Europe (ESS). L’une des limites majeures de notre étude est le manque de séries chronologiques concernant le capital social. Les bases de données disponibles nous ont permis de travailler uniquement sur deux mesures du capital social : les activités associatives et la confiance. En particulier, nous avons dû grandement nous appuyer sur l’activité associative moyenne comme mesure du capital social, alors que dans l’ESS nous avons établi un indice de confiance sociale basé sur les réponses aux trois questions portant sur la loyauté, l’honnête et la générosité. En d’autres mots, les limites des séries chronologiques au sujet du capital social ne nous permettent pas de considérer les mêmes mesures sur le long terme d’une part et sur le moyen et court terme d’autre part. Cependant, on peut noter que les corrélations à moyen terme entre l’activité associative et le bien-être subjectif au sein du WVS/EVS confirment les résultats découlant des études réalisées à partir de l’ESS sur la confiance sociale et le bien-être subjectif. Enfin, dans chacune des bases de données, le bien-être subjectif peut être évalué à travers le bonheur et la satisfaction dans la vie.

Nos résultats suggèrent que l’importance de l’horizon temporel de l’analyse est cruciale. Nous avons constaté que les évolutions du bien-être subjectif à long terme (15 ans) et moyen terme (6 ans) peuvent être en grande partie prédites par les évolutions des substituants du capital social. Néanmoins, à court terme (2 ans), le capital social semble avoir une importance moindre. En effet, les variations à court terme du capital social ne permettent de prévoir qu’une faible part des variations du bien-être subjectif, si l’on compare à l’analyse réalisée à moyen terme. Les coefficients s’avèrent être jusqu’à 3 fois plus faibles et moins significatifs que ceux de l’analyse à moyen terme. Le PIB suit le chemin inverse par rapport aux substituants du capital social : c’est à dire que la corrélation du PIB avec le bien-être subjectif est faible à moyen terme mais forte à court terme. En effet, les coefficients trouvés suite aux régressions réalisées à court terme sont presque deux fois plus importants et plus significatifs que ceux de l’analyse à moyen terme. De plus, la corrélation entre le PIB et le bien-être subjectif est deux fois plus importante que celle entre le PIB et la confiance sociale, alors qu’à moyen terme, ce rapport s’inverse. Lorsque l’on se place à long terme, nos résultats viennent confirmer le paradoxe d’Easterlin : la croissance économique ne conduit pas à une augmentation du bien-être. Nos résultats sont robustes et invariables à des valeurs aberrantes et à l’ajout de variables sociodémographiques de contrôle dans l’étude des tendances.

En théorie, il est possible que nos résultats ne dépendent pas des corrélations entre les différentes tendances, mais de variations aléatoires des personnes sondées à l’origine des relations entre bien-être subjectif et capital social. Par exemple, l’échantillon choisi lors d’une année peut apporter des résultats plus positifs que celui choisi l’année suivante. Cette positivité se manifesterait non seulement en termes de niveau moyen de bien-être subjectif, mais aussi en termes de niveau moyen de capital social qui serait alors plus élevé. Il y aurait alors un double impact sur nos corrélations. De l’autre côté, le PIB est mesuré en utilisant une autre source d’informations, et n’est donc pas assujetti au problème précédemment cité. Ainsi, la méthode utilisée se trouve biaisée dans le sens d’une plus forte relation entre capital social et bien-être subjectif qu’entre PIB et bien-être subjectif. Cependant, il n’y a aucune raison de croire que cet éventuel biais soit plus marqué à long terme qu’à court ou moyen terme. Autrement dit, ce biais n’invalide pas notre étude puisqu’il n’a pas d’influence sur nos principaux résultats qui portent sur les différences entre les différents horizons temporels étudiés.

En bref, le lien entre bien-être subjectif et PIB tend à disparaître au cours du temps. Inversement, le lien entre le capital social et le bien être semble se tisser progressivement au cours du temps. Ce résultat est compatible avec l’idée selon laquelle le revenu est sujet à l’adaptation et aux comparaisons sociales et avec celle selon laquelle, à l’inverse, le capital social n’est pas assujetti à ces phénomènes.

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