Organisé en six chapitres, cet ouvrage s’appuie sur le rapport d’une mission qui a été menée par Marie Rose Moro et Jean-Louis Brison en novembre 2016, sur le bien-être et la santé des jeunes. Ce rapport est le résultat d’une large consultation à travers des entretiens avec un panel varié des acteurs qualifiés issus des domaines de l’éducation, des soins psychologiques et psychiatriques, des syndicats, des collectivités territoriales, des associations, etc. L’ouvrage part d’un constat clair selon lequel le mal-être des jeunes en France devient de plus en plus préoccupant. À titre d’illustration, le suicide est selon les auteurs la deuxième cause de mortalité des adolescents, sinon la première, car certains suicides sont souvent déguisés en accident. En effet, l’adolescence est une période de trouble et de grande vulnérabilité, brouillant par le fait même la caractérisation du mal-être. Or, la santé qui est un bien à conquérir et à conserver. Elle est liée au bien-être considéré à la fois comme un devoir et un droit.
En milieu scolaire, le bien-être est intimement lié à la dignité de l’élève et se traduit par la confiance qu’il a en lui-même, envers ses parents et l’institution scolaire. Le mal-être traduit pour sa part la souffrance et un sentiment profond de malaise des adolescents. L’école est le lieu des apprentissages, mais aussi de promotion de la santé et du bien-être des adolescents (Darlington et al., 2017 ; Simar et al., 2018). Le milieu scolaire est aussi le lieu par excellence de l’expression du mal-être des jeunes et où se construisent les alliances avec les éducateurs, les familles et les professionnels. Malheureusement, ces alliances sont souvent biaisées par les divergences des représentations du mal-être. En d’autres termes, les perceptions qu’ont les éducateurs, les parents et les jeunes eux-mêmes du mal-être, ne sont pas toujours convergentes. Ces divergences des représentations renforcent la nécessité d’un accompagnement éducatif et thérapeutique. Cet accompagnement est cependant trop insuffisant, fortement disparate et cloisonné, pour répondre avec efficacité à cette problématique de santé publique. De plus, la méconnaissance aussi bien par les parents et les professionnels des aides disponibles, est un facteur aggravant de la situation. Dans ce contexte, la mobilisation autour du mal-être d’un jeune se fait plus dans l’urgence que dans la prévention. Il y a donc une nécessité de créer une synergie entre les professionnels de l’éducation et ceux de la santé.
Le parcours scolaire des adolescents est étroitement lié à leur parcours éducatif de santé car l’épanouissement et la réussite scolaire des élèves sont fortement liés à leur bien-être. En France, la mise en place par la Direction Générale de l’Enseignement Scolaire (DGESCO) d’un portfolio numérique (FOLIOS) contenant les informations et les expériences que les élèves jugent utiles à leur santé contribue par exemple aux apprentissages et à l’amélioration de leur bien-être. De même, selon les auteurs, l’augmentation de l’offre de centres médico-psychologiques (CMP) entre 2011 et 2014, passant de 1 453 à 1 467 structures, participe aussi au bien-être des adolescents. Malgré ces efforts pour répondre efficacement aux besoins en soins psychologiques et psychiatriques de l’enfant et de l’adolescent, les délais d’attente restent très importants. En l’occurrence, les auteurs mentionnent qu’en 2008, 60% des structures de psychiatrie infanto-juvénile en France déclaraient avoir une liste d’attente pour un premier rendez-vous, contre 30% en psychiatrie générale. Entre 2014 et 2018, ce taux a été multiplié par deux. Cette situation est exacerbée par une baisse de professionnels (pédopsychiatres, psychiatres) avec un nombre élevé des départs à la retraite et un faible remplacement. Cette baisse peut s’expliquer entre autres par la faible attractivité de la profession, et une absence d’identification de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent comme une spécialité à part entière.
L’ouvrage s’achève avec dix propositions visant non seulement à faire du bien-être et de la santé des jeunes une priorité, mais aussi à apporter des solutions concrètes au mal-être des jeunes. De ces préconisations, il est possible de citer la création d’un Pass Santé des jeunes (P@ssSaJ) permettant aux jeunes de rencontrer gratuitement le médecin de leur choix, et bénéficier si besoin de dix séances au plus avec un psychologue. Les auteurs suggèrent un renforcement des capacités du personnel enseignant et d’éducation aux problématiques de santé des jeunes ainsi qu’à la psychologie de l’adolescent. Ces problématiques doivent également être intégrées dans la formation initiale de ce personnel. Les préconisations visent aussi le renforcement de la médecine scolaire dans les collèges et les lycées par des mesures incitatives permettant de pourvoir les postes vacants. À l’université, l’accès des étudiants à des actes de soins développé dans la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, est une réponse institutionnelle aux besoins de santé des étudiants. Toutefois, la prise en charge psychologique des étudiants à travers les Bureaux d’Aide Psychologique Universitaire (BAPU) gagnerait à être renforcée. Selon les auteurs, ces bureaux sont actuellement limités et fragmentés, avec par exemple seulement neuf villes universitaires de province qui disposent d’un BAPU. La prise en compte du bien-être et de la santé des jeunes est aussi tributaire de la disponibilité des ressources notamment en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Dans ce contexte, il est nécessaire non seulement d’augmenter significativement le nombre de professionnels en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent mais aussi de reconnaitre la spécificité de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. La priorisation du bien-être des adolescents et des jeunes, se fera aussi selon les auteurs par le développement des maisons des adolescents particulièrement dans les zones où il n’y en a pas. L’objectif est d’assurer une bonne couverture territoriale et de contribuer ainsi à une mise en œuvre d’un pilotage national du plan « Bien-être et santé des jeunes ». Ce plan s’inscrit dans la continuité des politiques de l’État français en matière de réussite éducative pour tous, d’égalité d’accès aux soins et de précocité des prises en charge (Ministère des Solidarités et de la Santé). Il va s’appuyer sur l’Institut National de la Santé des Jeunes (INSJ) dont la création a pour but de fédérer toutes les compétences et ressources autour de la santé des jeunes. Il va également permettre la prise en compte de toutes les disciplines médicales, psychologiques, scolaires et sociales dans les actions à mener. Les questionnements soulevés par les auteurs dans l’ouvrage sont à la fois fort intéressants et d’une brûlante actualité en France. Ces dernières semaines en effet, l’actualité est marquée par de nombreux cas de violences entre adolescents (Poingt, 2021). Ces violences parfois se soldent par des pertes en vies humaines, provoquant ainsi la stupeur et l’incompréhension au sein de la société. Selon Marie Rose Moro et Jean-Louis Brison, qu’elle soit subie ou infligée, la violence chez les adolescents est l’un des signes précoces qui doit alerter sur leur mal-être. Dans cet ouvrage, des pistes intéressantes de compréhension du comportement des adolescents sont développées. Les auteurs suggèrent aussi des solutions concrètes pour comprendre et pallier au mal-être des adolescents et des jeunes. Les professionnels de l’éducation, ainsi que ceux de la santé, les parents d’élèves, trouveront dans cet ouvrage les moyens d’accompagner les adolescents et les jeunes aussi bien dans leurs apprentissages que dans leur épanouissement tout au long de leur parcours de formation.
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