Recension de « Psychologie de l’accompagnement. Concepts et outils pour développer le sens de la vie et du travail » de Jean-Luc Bernaud, Lin Lhotellier, Laurent Sovet, Caroline Arnoux-Nicolas et Frédérique Moreau (Dunod, 2020) | Nadia Baatouche

Au moment où paraît cette seconde édition de l’ouvrage « Psychologie de l’accompagnement. Concepts et outils pour développer le sens de la vie et du travail », notre monde est bouleversé par une pandémie. Les répercussions de cette crise sanitaire majeure − qui succède elle-même à d’autres crises − sont profondes, tant au niveau de la santé mentale avec notamment une augmentation du nombre de personnes en situation de dépression ou d’épuisement (Ustun, 2021 ; Ye et al., 2020) qu’au niveau social et économique (Guerini et al., 2020 ; Guilllot & Khlat, 2020). Or, ainsi que l’illustre cet ouvrage de 138 pages, dans le climat anxiogène qui est une marque de notre société postmoderne, la question du sens de sa vie et de son travail se réinvite dans les pensées. L’individu confronté à la finitude, cherchant un apaisement psychologique, explore ses expériences de vie personnelles et professionnelles. Quel est le sens de son parcours ? Quelle direction donner à sa vie dans ce monde incertain ? L’intérêt pour le sens est inéluctablement lié à l’équilibre de vie d’un individu, son rapport à la société et aux autres (Bernaud, 2018a, 2018b). Comment évoluer dans ce monde aux repères flottants, ce monde où les crises s’enchaînent, en surmontant un sentiment de vide existentiel, dont le corolaire est souvent une perte de sens du travail ?

Pour tout professionnel se pose la question de l’accompagnement de ces personnes en crise existentielle (Bernaud, 2018a, 2018b). Cet ouvrage collectif apporte des repères théoriques et une palette d’outils utiles aux praticiens de l’accompagnement, mais aussi aux étudiants souhaitant investiguer le concept de sens. Le livre s’articule autour de deux grandes parties. C’est tout d’abord à une exploration des fondements théoriques que les auteurs nous convient, dans une première partie procédant à un état des lieux de la pensée et de la recherche autour de la question du sens de la vie et du sens du travail. Ils abordent la définition du sens de l’existence, en questionnant tour à tour l’origine du concept, ses propriétés et ses composantes. Les auteurs présentent dans cet ouvrage les cadres de références disciplinaires autour de ce concept polysémique, les modèles d’élaboration de sens, les enjeux du développement de sens, pour conclure avec une vision panoramique et sociétale de la question.

Trois éléments particulièrement méritant parmi cette matière dense peuvent être mis en exergue :

  • Tout d’abord, l’importance de questionner les évènements de vie les plus significatifs pour préserver sa santé mentale et tendre vers le bonheur (Schmid, 2014). En effet, les nombreuses recherches portant sur le sens et la santé mentale tendent à confirmer que la présence d’un niveau de sens donné à la vie permet de se défaire d’un sentiment de vide existentiel (Steger et al. ; 2006, Steger et al., 2008 ; Schnell, 2009).
  • Ensuite, parmi les propositions et modèles intégrés de constructions de sens, le modèle proposé par Reker et Wong (1988) et Wong (2012) se révèle très éclairant. Il est constitué de trois dimensions : cognitive (i.e., la compréhension du sens donné à sa vie), motivationnelle (i.e., la recherche d’un but à atteindre) et affective (i.e., le sentiment de satisfaction et d’accomplissement de sa vie).
  • Le modèle PURE de Wong (2012) mérite également une attention particulière. Il est constitué de quatre composantes : avoir des buts (P) qui fait référence à la composante motivationnelle, la compréhension (U) qui fait référence à la composante cognitive, agir de manière responsable (R) qui fait référence à la composante comportementale, et enfin l’évaluation (E) qui renvoie à la composante de satisfaction dans la vie.

Les lecteurs sont ensuite invités, en deuxième partie, à adopter le regard du praticien d’accompagnement psychologique, pour découvrir comment développer le sens par la mise en place d’un dispositif « Sens de la vie et sens du travail ». Le dispositif est décrit en termes de format et de modalités, en termes d’outils et d’étapes, au moyen d’un focus sur chacun de ses sept modules et leur mise en miroir avec les fondements théoriques.

  • Le premier module intitulé « Théories implicites du sens » présente le cadre et invite le bénéficiaire à une première réflexion écrite sur le sens de la vie et le sens du travail.
  • Le deuxième module intitulé « Analyse des valeurs » invite le bénéficiaire à un questionnement sur les valeurs existentielles qui aiguillent ses actions personnelles et professionnelles.
  • Le troisième module intitulé « Analyses des modèles et des parcours de vie » est une invitation par le biais de l’esthétique − œuvres littéraires, artistiques, cinématographiques, etc. − à se décentrer de soi, de ses expériences de vie. Ces matériaux offrent au bénéficiaire un panorama des problématiques existentielles et des stratégies de contournements adoptées par des personnages de fiction.
  • Le quatrième module intitulé « Rapport au travail » invite le bénéficiaire à questionner ses valeurs au travail et les significations données au mot travail. Ce module conduit le bénéficiaire à penser le mouvement permanent qui lie la sphère du travail et la sphère de vie prise dans sa globalité.
  • Dans le cinquième module intitulé « Autobiographie des scénarios de vie personnelle et professionnelle future », les bénéficiaires imaginent deux trames de vie professionnelle et personnelle pour les prochaines années, élaborant une réflexion autour de chaque scénario. L’objectif est ici de permettre aux bénéficiaires de se projeter dans une mise en action.
  • Le sixième module intitulé « Développement de l’art de vivre » invite chaque bénéficiaire à dégager plusieurs axes de travail personnel autour de leur qualité de vie et d’une forme de développement spirituel. À ce stade, il entre dans la réalisation d’une action au présent, quotidienne, en accord avec lui-même, consignée durant deux semaines.
  • Enfin, le septième et dernier module intitulé « Une vision 360° du sens de la vie et du travail » constitue un bilan du vécu du ou de la bénéficiaire et de son élaboration de sens tout au long du dispositif, s’ouvrant sur les perspectives d’avenir.

Désireux d’illustrer le dispositif et le propos, les auteurs concluent cette deuxième partie en accordant une large place à l’étude d’un cas d’accompagnement psychologique individuel. Qu’est-ce qui a motivé la démarche ? Où se situait la bénéficiaire en amont du dispositif ? Comment se sont passées les séances ? Quels exercices ont pu provoquer des prises de conscience, des élaborations de pensée et de sens ? Où se situait le bénéficiaire à l’issue du dispositif – et comment entendait-il poursuivre le travail entrepris ? Le livre inclut également dix pages de références bibliographiques fort utiles pour approfondir la thématique. Un accès numérique sur le site compagnon des Éditions Dunod est également possible avec la possibilité de télécharger dans son intégralité le carnet de bord utilisé par les accompagnateurs du dispositif « Sens de la vie et sens du travail ». Un des objectifs poursuivis est ici d’outiller de futurs praticiens par de la méthode liée à de la connaissance. Les professionnels de l’orientation pourront ainsi acquérir un premier niveau d’équipement et d’autonomie dans une pratique de l’accompagnement au sens.

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