Recension de « Coaching existentiel. Accompagner la recherche de sens au travail » de Omid Kohneh-Chahri (Dunod, 2020) | Mathilde Moisseron-Baudé

Rien ne prédisposait Omid Kohneh-Chahri, l’auteur de « Coaching existentiel. Accompagner la recherche de sens au travail », au métier de coach professionnel et plus précisément, celui tourné vers le coaching existentiel. Diplômé d’une maîtrise de physique, ingénieur dans le domaine informatique, il entreprend après plusieurs années d’expérience des transitions/reconversions professionnelles pour trouver sa « voie ». Il décide, in fine, de se consacrer aux autres en obtenant notamment le titre de professeur de yoga et en mettant à profit son cheminement réflexif et introspectif au service de l’accompagnement des dirigeants et des particuliers pour les aider à se révéler à eux-mêmes dans leur vie personnelle comme professionnelle et à penser leurs priorités pour entrevoir une vie plus harmonieuse.

Proposé aux lecteurs en huit chapitres, l’ouvrage est un outil de travail que l’auteur a façonné à travers ses propres expériences professionnelles avec ses clients au fil du temps. Il repose davantage sur des savoir-faire et des savoir-être, qui font écho à la discipline pragmatique qu’est le coaching, que sur un savoir théorique existentiel étayé. Son objectif est de partager une méthode de travail et des techniques en soutenant une vision ternaire et éclectique du coaching existentiel. Il y allie en effet, (i) le coaching influencé par le courant humaniste-rogérien (Rogers, 1968/2018), (ii) des thérapies existentielles telles que la thérapie existentielle de Yalom (2017) et la logothérapie de Frankl (2009, 2013) ainsi que, (iii) des méthodes psychocorporelles, incluant le yoga ou encore la méditation de pleine conscience. L’auteur tire la légitimité de l’écriture de ce livre de l’expérience professionnelle acquise ces dix dernières années, laquelle lui a permis d’éprouver ses outils, et du plébiscite de ses pairs, convaincus après les avoir testés auprès de leurs clients. Aussi s’adresse-t-il, en cœur de cible, avant tout aux professionnels de l’accompagnement en développement personnel et professionnel ainsi qu’aux métiers du conseil, des ressources humaines puis, plus largement, à tous les particuliers qui aspirent à trouver une meilleure conciliation entre leur mode de vie personnel, professionnel et leur véritable valeur.

L’approche existentielle, choisie par l’auteur, pour du coaching, est indéniablement en résonance avec l’ère de la société post-moderne du XXIème siècle dans laquelle nous vivons. Traversée par des crises, des transformations sociétales et environnementales, la société opère, en chacun dans son développement individuel, une révolution profonde de « l’être ». L’auteur le constate au quotidien dans sa pratique et oriente son travail de coach en conséquence afin d’aider ses clients à trouver leur juste place dans le monde professionnel. Il se saisit, dans son premier chapitre, des enjeux existentiels contemporains en dressant une liste de facteurs, non exhaustifs, qu’il considère comme contribuant à la perte de sens, à la perte de repères dans nos vies. Preuve de l’intérêt grandissant de cette approche, au moment de la rédaction de cette recension, paraissait dans le numéro de Psychologies magazine du mois de novembre 2021 (n°427) un dossier spécial consacré à « Plus de sens et de plaisir – Les clés de la psychologie existentielle » où il émerge aujourd’hui « un sentiment individuel et collectif nouveau, celui d’une urgence à trouver du sens à sa vie » (Psychologies magazine, 2021, p. 44). Si, étrangement, cette préoccupation semble récente en France, elle est en revanche développée dans d’autres pays dans le milieu de la recherche scientifique, depuis les travaux fondateurs sur la psychologie existentielle de May (1958). Elle a pris son essor, en France, depuis deux dernières décennies (Arnoux-Nicolas, 2019 ; Bernaud, 2018, 2021).

Dans le deuxième chapitre, l’auteur prend le parti pris de présenter les fondements du coaching existentiel sous le prisme essentiellement de trois référents, à savoir Irvin David Yalom, professeur américain émérite en psychiatrie, existentialiste et psychothérapeute, Viktor Frankl, professeur autrichien de neurologie et de psychiatrie, créateur de la logothérapie, et Dominique Lussan, française, professeur de yoga et présidente fondatrice d’un centre de recherche et de développement sur les états de la conscience et la création de valeur globale. Au-delà de la vision réductrice et limitative de ce cadre, il manque aux lecteurs une justification argumentée de ce choix pour permettre d’en apprécier la pertinence. Si les deux premiers référents portent des thérapies existentielles bien référencées sur le plan international, l’association avec le troisième référent est moins évidente et reste à clarifier. Cette démarche, nécessaire, est importante à prendre en considération si, comme le souhaite l’auteur, l’intention est d’ancrer cette pratique professionnelle de manière pérenne dans un univers de référence donné. D’autant qu’il se développe d’autres pratiques, utilisant d’autres formulations, qui pourraient créer de la confusion dans les esprits autour du coaching de vie (Cluzel et al., 2019 ; Jarosz, 2016 ; Terrisse, 2019) ou encore, du coaching existentiel transformateur (Lefdahl et al., 2018 ; van Deurzen & van Deurzen-Smith, 2018). Ce chapitre enfin, est l’occasion pour l’auteur de proposer un nouveau modèle qu’il considère être « le fil rouge de la découverte du sens ». Ce modèle repose sur trois niveaux logiques de sens à savoir, (i) les manifestations de notre être (nos élans, ce qui nous rend vivant, nos essences), (ii) les contributions au monde (notre utilité, ce qu’on donne et apporte aux autres) et (iii) le territoire social (la place choisie, notre domaine d’activité, notre environnement de travail). Malgré le soin qu’il apporte à expliciter ces trois éléments à travers notamment des exemples, un approfondissement des cadres conceptuels et une critique nuancée permettraient aux lecteurs d’entrevoir les potentialités offertes par ce modèle afin de se l’approprier.

Le troisième chapitre traite de la posture du coach existentiel et de ses zones d’intervention selon les représentations qu’en a l’auteur. Par une énumération structurée de conseils, l’auteur vise une posture équilibrée et réflexive pour évoluer vers l’objectif du client et impulser sa transformation. Il propose une « carte » ou une grille de lecture pour mieux appréhender le « territoire existentiel » et les difficultés des clients. Il la nomme à l’aide des quatre dimensions, SPEA : Sens, Projet de vie, Engagement décisions et passage à l’Action. Cette carte n’a pas pour vocation à être une méthode reproductible de manière immuable pour chaque client mais davantage un outil pratique pour le coach afin de l’aider à déterminer les zones d’intervention prioritaires dans l’accompagnement de son client.

Les chapitres qui suivent, du quatrième au septième, explicitent chaque dimension de la carte en y associant pléthore d’outils visant à affiner, éclaircir, in fine, le modèle des trois niveaux logiques de sens du client. Régulièrement, des encadrés jalonnent la lecture permettant de relier le thème traité à des compléments d’ouvrages, à des conseils et recommandations destinés autant aux lecteurs qu’à ceux prenant en charge les individus. Cette partie de l’ouvrage s’assimile davantage à un assemblage de techniques empruntées à diverses disciplines. Des concepts sont mis bout à bout constituant, certes, des éléments encourageants pour le développement des interventions en coaching existentiel car reconnus individuellement pour leur efficacité clinique, mais le lecteur peut s’interroger sur la cohérence, la pertinence et l’efficacité de ces concepts agglomérés au fil du temps et n’ayant pas été éprouvés scientifiquement dans une démarche d’intervention globale. 

Enfin, le huitième et dernier chapitre expose brièvement une étude de cas réel de coaching existentiel. Il aurait été valorisant d’apporter des éléments descriptifs sur chaque séance en précisant par exemple, l’objectif visé, son contenu et son organisation ainsi que les processus et effets observés. Cette rigueur aurait permis d’apprécier à sa juste valeur la qualité de l’accompagnement par le coach et le développement personnel et professionnel du client.   La psychologie existentielle offre véritablement un large champ de potentialités pour explorer les dilemmes de vie des êtres humains, pour comprendre leur rapport au monde, pour les accompagner à se révéler à soi-même et contribuer ainsi, plus globalement, à maintenir l’équilibre dans le monde (Heidegger, 1927/1986 ; Jacobsen, 2007). Cette approche est, incontestablement, stimulante pour l’esprit. Elle doit s’évertuer, dans les prochaines décennies, à acquérir une meilleure assise dans le domaine de la recherche scientifique pour favoriser le développement de pratiques professionnelles qui puissent s’appuyer sur des cadres théoriques, méthodologiques et des techniques validés tant sur le plan scientifique qu’académique. Le coaching existentiel s’inscrit dans l’évolution des pratiques d’intervention et de conseil prenant en compte le rapport existentiel. Il gagnera en qualité et pertinence en s’enrichissant notamment de cadres de référence solides, évitant les agglomérats d’outils mis bout à bout et une frêle bibliographie. Cette ouverture holistique pour travailler l’orientation professionnelle de l’individu semble très prometteuse comme le démontre cet ouvrage et incite à poursuivre dans ce sens pour profiter de son rayonnement.

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